un peu d’humilité face à l’anorexie ne nous ferait-elle pas du bien?!…

en effet, et je m’inclue dans cette interrogation, on peut se poser la question…à entendre les personnes anorexiques, toutes sont persuadées de connaître mieux que quiconque la maladie…et en effet, elle parle beaucoup de la maladie, de ces symptômes et tout particulièrement de l’alimentation…elles connaissent tout sur le bout des doigts…combien de fois pouvons-nous entendre dans des conversations anorexiques : c’est la maladie qui…la maladie, je la connais…c’est la maladie qui nous rend comme ça…c’est la maladie qui veut que…cette maladie, c’est pire que tout…etc…etc… oui bien sûr, parler de la maladie, ça ne nous pose aucun problème, sauf que nous oublions un peu vite que : l’anorexie ne se réduit pas à ses symptômes, l’anorexie n’est pas juste un problème alimentaire, l’anorexie n’est pas un prétexte à tous nos comportements déviants et malsains, une fois que nous enlevons ces quelques aspects de la maladie, que reste-t-il à dire ? que nous reste-t-il à dire ? là, nous sommes tout de suite moins bavardes…alors pouvons-nous dans ces conditions dire que nous connaissons bien la maladie, que nous savons tout d’elle, que nous savons parfaitement faire la part des choses entre la maladie et le reste…pouvons-nous réellement tenir de tels propos : connaître la maladie ne peut se réduire à connaître parfaitement les bases de la diététique ou l’image que nous nous faisons de la diététique-serait plus exact-, ni nous focaliser sur les symptômes… c’est un peu comme si nous disions tout connaître de la grippe car nous savons que température, courbatures, toux, en sont les symptômes…ça ne sert en aucun cas à guérir la grippe…et je crois qu’il en va de même pour l’anorexie, ce n’est pas parce que nous parlons si bien des symptômes, des comportements que la maladie induit en nous, que nous savons guérir l’anorexie, et surtout nous guérir de l'anorexie…la preuve…et pouvons-nous alors dire connaître si bien une maladie, si nous ne savons pas comment la guérir…et bien pire dans l’anorexie, car guérir, nous prétendons toutes le vouloir mais nos attitudes et actions disent tout le contraire, nous faisons tout pour entretenir l’anorexie…tout en étant persuadées que nous savons tout…que ce sont les autres qui ne savent rien, car pour connaître la maladie, il faut la vivre…certes c’est défendable…mais j’ai envie de dire que pour pouvoir dire connaître la maladie, il faut l’avoir vécue mais aussi et surtout s’en être sortie…avoir suffisamment de recul pour pouvoir en parler sans déni, sans illusions, sans idées complètement farfelues que nous tenons pour vérité quand nous baignons dans l’anorexie…alors peut-être qu’un médecin qui n’a pas vécu par lui-même l’anorexie ne peut pas réellement connaître cette maladie, mais une patiente qui baigne en plein dedans sans voir plus loin que les symptômes ne peut pas plus prétendre connaître la maladie…car si elle connaissait si bien la maladie, elle saurait aussi comment s’en sortir…elle ne serait déjà plus malade depuis bien longtemps car elle aurait compris et accepté au plus profond d’elle-même que l’anorexie n’a aucun sens, l’anorexie ne mène nulle part, l’anorexie n’est qu’un phénomène illusoire, l’anorexie -à travers ses symptômes- n’est qu’une fuite de la réalité, de nos angoisses réelles, l’anorexie n’est qu’un refuge pour ne pas voir le reste, l’anorexie ne consiste pas tant dans ses symptômes mais dans une certaine structure de personnalité, des comportements déviants…connaître l’anorexie est bien plus complexe que nous nous évertuons, en tant que malade, à le croire… et bien au-delà de tout ça, je crois que nous éprouvons une pseudo-jouissance à penser que mieux que quiconque nous connaissons la maladie…nous allons même jusqu’à être intimement convaincue que nous pouvons manipuler les médecins pour servir notre anorexie en les trompant, leur mentant, jouant plus ou moins volontairement, plus ou moins consciemment avec les symptômes…d’où la naissance en nous d’un sentiment de toute-puissance de maîtrise infinie…et dire que nous pensons connaître la maladie…et ce que nous préférons par dessus tout, c’est se plaindre que nos proches eux n’y comprennent rien, pauvre petites victimes que nous sommes…enfin si, nous sommes bel et bien victimes mais pas exactement sur ce que nous pensons : nous sommes victimes, prises à notre propre piége, victimes non pas de l’ignorance des autres mais de notre propre ignorance sur le fait que notre connaissance de la maladie est totalement erronée, totalement illusoire…mais la que nous signons notre aliénation à l’anorexie…nous croyons tout maîtriser, même les thérapeutes, nous nous sentons supérieures, même aux thérapeutes, mais qui a-t-il d’autre que nous pour y croire ?cette maladie est certes celle su mensonge, de la dissimulation, du déni mais à qui mentons nous en premier lieu si ce n’est à nous-même… qui trahissons-nous avant tout si ce n’est nous-même…quel orgueil démesuré pouvons-nous avoir pour croire que les autres sont dupes sur notre ignorance totale face à la maladie ? jusqu’où allons-nous pour servie notre volonté de perfection, de toute puissance bien que nous sachions au fond de nous qu’il est illusoire ? et quelle dualité en nous pour en même temps se présenter comme la meilleure, la plus discipline, la plus conciliante des patientes alors qu’au fond de nous à travers nos mensonges et dissimulation, nous ne faisons que servir la maladie…nous nous permettons même d’aller jusqu’à juger des médecins réellement compétents complètement inaptes…je reconnais que tous ne le sont pas…mais il existe vraiment des médecins vraiment compétents ! mais nous nous refusons à le reconnaître car ils sont beaucoup trop menaçants pour notre part anorexique, ils seraient capables de nous en priver…de faire de nous des êtres normaux…de nous rendre cette humanité perdue….de nous faire douter de nos convictions -illusoires-…ils seraient peut-être même capables de nous aider à guérir…mais alors nous deviendrions des êtres banaux, nous perdrions toutes nos illusions, nous redescendrions de notre petit nuage, nous reconnaîtrions notre ignorance, notre incomplétude, nous reconnaîtrions que nous avons tout faux…et nous cesserions de crier haut et fort que nous n’avons pas faim, alors même que notre ventre émet ce grouillement qui signifie bien tout le contraire… et puis, si connaissions si bien la maladie nous arrêterions d’en parler, et surtout d’en parler comme nous en parlons, et nous garderions notre énergie pour passer à l’action pour guérir…car c’est un peu comme la rumeur, plus on en parle plus elle se répand…et au fond, peut-être avons-nous peur du syndrome Mc Cain : ce sont ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus…le fait de parler de l’anorexie comblerait-il nos besoins oraux primaires ?!c’est une question qui mériterait sans doute que l’on s’y arrête…et puis si connaissions si bien la maladie que ça, nous aurions pleine conscience des dégâts qu’elle engendre et nous mettrions alors tout en œuvre pour nous en sortir au plus vite…force est de constater que c’est loin d’en être le cas… alors oui, un peu d’humilité, face à la maladie, face à notre connaissance de l’anorexie, nous ferait un bien immense et peut-être commencerions-nous alors enfin agir pour nous en sortir

Comments

[fabrice]

Ton approche face à l'anorexie et tes questionnements sont légitimes et posés. Ce travail sur soi ne peut que te profiter. Continues comme cela, ta démarche ne peut qu'être prometteuse pour te permettre de te rapprocher, jour après jour, de la guérison.
Courage Raphaele, pensées à toi...
See you later ...

[Lucie]

Chère Raphaële.
Encore une fois, et je me répète, mais tes questionnements sont très sensés...je pense tout comme toi que si l'on connaissait vraiment cette maladie, comme on le dit, on s'en sortirait plus aisément.
Tu fais d'énormes avancées. Tous ces questionnements en sont le reflet.
A bientôt.
Je t'embrasse.
Tendrement.
Lucie

[Lisanka]

Je suis tout à fait d'accord avec ce que tu écris! C'est bien que tu puisses t'en rendre compte! Je suis certaine que bientôt tu auras assez de recul pour parler de la maladie au passé. Pour moi, c'est derrière et je suis tellement contente d'en être sortie que j'apprécie la saveur de chaque seconde avec une intensité particulière.
Pour la compétence du médecin, je pense que pour au moins une personne nous ne nous étions pas trompées! quand j'y repense, elle était arrangée, maintenant, j'en rigole et je me demande comment j'ai pu raconter ma vie à une nana pareille héhé :-)
Tu ne l'avais pas revue?

Bisous ma belle,
Lisanka