ici et maintenant...pour l'avenir...

il est vrai que quand je me retourne sur ces quelques mois passés, je suis parfois surprise d’être parvenue à accomplir un tel chemin…j’ai encore beaucoup de mal à me dire que c’est moi qui l’ai fait avec l’aide de nombreuses personnes…or c’est étrange mais j’ai le sentiment que c’est une autre dont je parle…tout comme j’ai le sentiment de n’avoir rien fait de particulier, j’ai juste accepté l’aide et fait confiance à certaines personnes…j’ai encore du mal à m’approprier la réalité de tout ce qui a pu se passer cette année…aujourd’hui je me retrouve dans une position particulièrement  inconfortable…pas tout à fait guérie, plus tout à fait malade…l’anorexie est encore très présente et œuvre tous les jours pour me ramener à elle…c’est un combat dont j’ai conscience : toutes ces douleurs, tous ces doutes, tous ces moments de désespoir, tous ces moments d’incompréhension, tous ces moments de flous, de brouillard, tous ces moments où j’ai l’impression d’être à nu face à l’anorexie et je la sens regagner du terrain…tous ces moments contre lesquels je dois lutter car je sais aujourd’hui quel danger cela représente, car je sais que c’est porte ouverte à la rechute et car je ne veux absolument pas retomber car j’ai acquis la certitude que cette fois je ne m’en relèverai pas…en juin, j’ai eu de la chance, mon médecin était là pour me sauver la vie, et ce, même si parfois j’ai encore la nostalgie de me dire qu’il aurait mieux valu que mon cœur lâche…mais quand j’y réfléchis bien, je ne pense avoir envie de mourir…il y a en moi cette impression forte que la vie peut m’apporter autre chose, que j’ai beaucoup de choses à découvrir, une revanche à prendre sur mon passé…non pas une revanche basée sur l’amertume, la vengeance, mais une revanche de vivre ce que je n’ai pas pu vivre jusqu’à maintenant…découvrir, apprendre, voir, dire, écrire, lire, partager, faire, …tout ce que je n’ai pu obtenir jusqu’à maintenant…je me rends compte à quel point depuis que je suis toute petite, j’ai été conditionnée à ne pas exprimer, à ne pas dire, à ne pas m’exprimer, mais plutôt à étouffer mes sentiments, les enfouir bien Profondément qu’elles ne transparaissent pas…on m’a demandé plus ou moins implicitement de me taire, de terrer mes émotions en moi…très tôt, j’ai vécu le fait d’exprimer mes émotions,  de m’exprimer comme dangereux, menaçant pour mon entourage mais aussi par ricochet mon propre équilibre…alors je me suis enfermée dans un silence, un monde imaginaire peuplé de voix sans visages mais à qui je pouvais parler et qui me répondaient…tout le paradoxe résidant dans ce constat : c’est à travers ces échanges que j’ai pu survivre, que j’ai pu me sentir exister mais c’est aussi la contre partie de ce monde imaginaire : le silence qui m’a détruit, qui a fait qu’émotions et sentiments se sont cristallisés en moi et se sont répercutés sur le corps…ce corps que je désespère de parvenir un jour à m’approprier, ce corps que je n’arrive pas à dire mien et qui a été et reste encore le lieu de toutes les expressions qu’il s’agisse de la douleur physique, de la souffrance psychique, de la détresse, du manque d’échange, du manque de mots, de paroles réconfortantes, valorisantes, positives, vitales…non ce corps reste le lieu de la concentration de toute la négativité en moi…je me rends compte aujourd’hui à quel point ces émotions surtout négatives se sont retournées contre ma propre personne : cette colère, cette haine, cette culpabilité, cette violence affective et comportementale, cette peur, ce sentiment de menace, d’abandon, cette angoisse de ne pas exister pour moi-même, …toute la violence de ces émotions, je la retourne contre moi, totalement incapable de la diriger vers les bonnes personnes…personnes que j’ai toujours considérées comme bonnes pour moi, qui se sont sacrifiées pour moi, qui ont tout fait pour moi…or actuellement et c’est tout aussi douloureux que porteur d’espoir, je réalise que la dévotion, le dévouement de ces personnes étaient déjà et avant tout là pour soulager leur propre conscience, soulager leurs propres douleurs et détresses infantiles, et qu’à travers moi elles ont voulu réparer l’enfant qu’elles ont été, l’enfant blessé et humilié…mais quelle est ma place dans tout cela, je comprends maintenant d’où me vient ce sentiment de ne pas avoir eu d’existence propre et qu’aujourd’hui à presque 32ans, j’ai tout à apprendre de la vie, j’ai tout à découvrir, j’ai tout à construire : c’est aujourd’hui que je dois me faire ma place, que je dois prendre la place qui me revient de droit dans cette société…seulement je n’ai plus les appuis que j’aurais pu avoir enfant, et je dois uniquement compter sur moi-même pour accéder à la vie que je souhaiterais avoir…d’un côté, c’est rassurant car il va enfin s’agir de mes propres désirs, de mes propres envies, mais de l’autre, c’est extrêmement  angoissant car pour le moment, je me sens vide, sans envie, sans désir…incapable de ne pas culpabiliser quand je décide de me faire passer avant les autres et  que j’imagine ne pas satisfaire les autres en n’agissant plus en fonction d’eux mais en fonction de ce que je peux ressentir sur le moment…mais en même temps, je sais que c’est devenu vital d’agir ainsi…sinon je vais finir par m’étouffer, étouffer sous mes émotions…

et puis, j’en ai assez, je dois l’avouer de toujours faire en fonction des autres, j’en ai assez de m’écraser  pour leur laisser la place car au final je m’écrase et on m’écrase surtout…preuve en est encore les quelques entretiens d’embauche que j’ai pu passer ces derniers temps…à chaque fois, la même rengaine, à chaque fois les mêmes mots reviennent : timidité, fragilité, sortir de ma coquille, on peur de me casser,…tout cela n’est pourtant que le reflet de ce profond manque de confiance en moi alimenté depuis ma plus tendre enfance par cette injonction à me taire, à ne pas exister pour moi, mais pour l’autre…alors aujourd’hui, je me révolte, je tente de travailler sur ce manque profond de confiance, d’estime…mais c’est d’autant plus difficile que je retrouve un corps dans lequel j’ai encore du mal à me retrouver à me sentir bien, un corps qui pour le moment ne me renvoie que dégoût et vulgarité…et pourtant si je me fiais au regard de personnes de totale confiance, je devrais me voir encore très très mince…et pourtant si je raisonne sur les chiffres, effectivement, je suis encore très très mince… on en revient donc toujours au même point cette anorexie encore trop présente qui n’est pas décidée à me lâcher…à moins que ce soit moi qui m’y accroche par peur de l’inconnu…mais je ne désespère pas pour autant car parfois je me rends compte que j’ai malgré tout même à pas de souris avancé, j’ai pris un peu confiance, je me donne un peu plus de place…autre point positif, je commence à m’ouvrir avec confiance au regard de l’autre, j’essaie difficilement de m’en imprégner, de m’en nourrir, de remplacer ma négativité par leur positivité…mais c’est terriblement épuisant de lutter conter une telle force autodestructrice mise en place depuis 32ans et formidablement rôdée, endurante à toute épreuve…or, et même si mon orgueil prend une immense claque car je suis dans l’obligation de reconnaître que jusqu’à maintenant je me suis obstinée à prendre le chemin de l’échec annoncé, j’ai décidé d’aller voir de l’autre côté…du côté de la vie, du côté du bien dans son sens véritable pas dans celui de l’anorexie…bref, j’ai décidé d’aller mieux, voire même d’aller bien…et je suis prête à tout pour y parvenir même si je sais que je vais encore butter sur certains obstacles, même si je sais que je vais encore devoir faire face à des épreuves très déstabilisantes, même si je vais encore devoir faire certains deuils de choses que j’aurais voulues et que je n’aurai sans doute jamais…j’ai découvert aussi que la vie était souvent au rendez-vous alors même qu’on ne s’y attendait pas, qu’on ne s’y attendait plus…j’en ai eu la plus belle preuve il y a quelque s temps même si aujourd’hui, c’est en partie aussi de ce fait que je souffre un peu plus…cette expérience a eu le mérite de me remettre dans la vie, de me reconnecter à la vie…et si cette fois ça ne peut pas marcher car non dans la vie tout n’est pas possible, il y a certaines circonstances qui font qu’on ne peut pas tout obtenir même si on le désire du plus profond de son être…je ne dois pas non plus m’arrêter à une première expérience avortée…mais garder les yeux ouverts pour pouvoir voir toutes les autres opportunités qui se présenteront peut être à moi dans un avenir plus ou moins proche…pour l’instant, tu es là avec moi, même si…, tu es là et on vit au jour le jour cette relation en tentant de se préserver l’un l’autre le plus possible dans le respect maximum de l’un, l’autre…c’est une belle histoire…il ne tient qu’à nous de la poursuivre le plus loin et le plus longtemps possible…je te suis d’une éternelle reconnaissance, je n’aurais jamais accompli le chemin accompli jusqu’aujourd’hui si tu n’avais pas été là, d’une écoute à toute épreuve, sans aucun jugement, sans aucune critique, toujours très juste, toujours très pertinent dans tes remarques, toujours très attentionné, toujours très attentif, je te dois la vie émotionnelle, tout comme je dois la vie physique à mon médecin…vous deux avez toujours su me pousser très habilement dans mes derniers retranchements quand j’avais tendance à m’asseoir sur mes acquis…et ne plus vouloir continuer…vous avez toujours été là pour me soutenir et me  redonner la force de continuer à lutter …même si j’ai parfois trahi toute la confiance que lui, comme toi avez mise en moi…en cela vous avez ma reconnaissance la plus profonde….et même si mon médecin boude en ce moment pour une raison que j’ignore totalement, je vous promets de tout faire pour ne pas vous décevoir à l’avenir…je vous dois au moins ça…