l'anorexie est-elle une maladie?....
on m'a encore posé cette question il y a quelques jours et j'avoue que je la supporte de moins en moins...en même temps, je ne peux pas leur en vouloir de me,se la poser quand on ne vit pas cet enfer de l'intérieur...en l'occurrence, les personnes qui m'en ont parlé ont connu un événement très difficile: le décès d'un enfant et je comprends d'autant plus que l'anorexie puisse les interpeller mais ils ne sont pas les seuls à insinuer que l'anorexie n'est pas une maladie...ce qui m'a blessée,c'est qu'on me demande ce que je ressentais quand je voyais des enfants qui eux étaient vraiment malades et n'avaient pas choisi de l'être...comment leur faire comprendre que je suis sans doute moi aussi vraiment malade,et que j'ai du mal à le reconnaître et l'admettre, et que que je n'ai moi non plus pas choisi cette maladie...et que même si ça paraît odieux à dire si j'avais pu choisir, j'aurais préféré avoir un cancer ou une maladie vraiment physique qui soit reconnue d'une certaine façon par les autres comme maladie plutôt qu'un cancer mental qui pourrisse en moi sans que personne ne se rende compte que non je n'ai pas choisi l'anorexie...et d'ailleurs,comment aurais-je pu choisir quelque chose que je ne connaissais pas?il y a 16ans, quand tout a vraisemblablement commencé,on ne parlait pas de troubles alimentaires...pour tout dire, je ne connaissais même pas le terme d'anorexie, encore moins mentale...et quand une camarade de classe m'a fait remarqué mon amaigrissement spectaculaire en me demandant si je n'étais pas anorexique...je n'ai rien compris...et me suis précipitée dans le dictionnaire en rentrant du lycée...
anorexie: perte d'appétit...anorexique: personne atteinte d'anorexie...
ah oui mais non, je n'étais pas anorexique car j'avais faim,je crois, mais je ne parvenais plus à ingérer de la nourriture, je ne supportais plus ce sentiment de me salir de l'intérieur avec la nourriture, je voulais juste prendre moins de place, m'effacer pour que l'on arrête de me mépriser, de se moquer de moi et que l'on arrête tout simplement de remarquer mon existence car je n'avais pas le droit de vivre, je prenais la place de quelqu'un d'autre...non je voulais juste disparaître en aucun cas, je n'avais perdu l'appétit...certes, maintenant le temps a passé, j'ai pris à quelque part conscience que j'avais un problème alimentaire mais pas que ça: j'ai aussi et peut être même avant tout un problème identitaire, un mal-être profond qui remonte à ma petite enfance et qui s'est cristallisé du fait du silence, cette injonction à se taire...je me souviens quand je me mordais les lèvres le soir dans mon lit pour ne pas pleurer et que ma mère ne m'entende pas...il ne fallait surtout pas que je dise ce mal en moi, ça aurait été criminel : j’aurais tué ma mère…et puis je n’avais pas à me plaindre : j’avais tout ce dont une petite fille de mon âge pouvait rêver me disait-on…alors je me taisais…et me réfugiais dans le rêve, je m’inventais des tas d’amis, des tas d’anecdotes qui montraient que j’étais aimée…juste pour pouvoir rassurer ma mère et qu’elle ne se culpabilise plus d’avoir donné à son aînée une petite sœur eczémateuse…tout le monde y croyait et mes moments de retranchement,de tristesse étaient encore plus mal perçus par mes proches…et pourtant, ma mère m’a appris il y a quelques années, qu’un médecin m’avait dite dépressive dés 7ans…pourquoi n’a-t-elle pas été en mesure de réagir à ce moment-là, je crois que je lui en veux encore à ce jour de ne pas avoir perçu l’indicible au delà de mon silence, des apparences…
alors franchement, j’ai envie de dire m* à tous ceux qui prétendent que les "anorexiques" ne veulent pas guérir…déjà qu’on commence par parler de personne anorexique et non d’anorexique, on dit pas les cancéreux mais bel et bien les personnes atteintes du cancer et puis,viendrait-il à l’idée de dire à une personne atteinte de cancer qu’elle ne veut pas guérir,je ne pense pas alors pourquoi le dire à une personne atteinte d’anorexie mentale… ?j’en ai vraiment assez d’avoir à me justifier du fait d’être malade…d’avoir à me battre contre tous ces clichés qui ne font qu’alimenter mon retranchement dans l’anorexie…certes, on peut croire que dans le cas de l’anorexie,on a bien plus de pouvoir que dans le cas d’un cancer…mais c’est bien se méprendre car on n’a aucun pouvoir, l’anorexie est un mal, un piége qui se referme sur vous et vous domine jusqu'au plus profond de vous-même mais pour le percevoir, il faut sans doute le vivre…enfin peut-on leur en vouloir car comme le dit si bien le petit prince : "l’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur…"