au jour d'aujourd'hui...

Peut-être ne devrais-je pas vous le dire, mais je conserve tous vos mails, monsieur rigaud et héléne, je les conserve bien précieusement pour les relire quand le courage me manque, quand la peur me prend…mais sans doute vous en doutez-vous et de toutes façons, je n’ai plus rien à cacher…vous rendez-vous compte du travail que vous avez accompli ? Vous rendez-vous compte ce que vous avez fait de moi depuis 2ans ? je crois que c’est aujourd’hui que de mon côté, j’en prends conscience…je réalise le chemin parcouru. Parsemé de chutes, rechutes de pensées défaitistes, de perte de courage, de pertes d’espoir, un long chemin sinueux…

Aujourd’hui je prends le temps de m’arrêter sur le bord du chemin pour prendre le risque de me retourner…je ne peux m’empêcher de rester muette d’admiration…c’est impossible, ça ne peut pas être moi qui ait couru ce marathon, cette course contre la montre, contre le temps, envers et contre tous, envers et contre moi…c’est impossible, moi la minable(ce terme m’a vraiment marquée !)…c’est impossible…alors je prends peur mais je ne peux m’empêcher de me rassurer : si, si c’est bien moi…preuve à l’appui, cette vidéo dont je n’ai jamais vraiment pu soutenir l’image, mon image…aujourd’hui je ne peux pas être celle qui parle, ce n’est pas moi, ce n’est plus moi, je n’ai pas été ça…pour la première fois de mon histoire, je me sens fière, non pas de cette fierté malsaine empreinte d’anorexie, non pas de cette fierté-là, si fierté il peut y avoir mais fière de constater ce que vous m’avez aidée à devenir…vous rendez-vous seulement compte de ce que vous avez fait pour moi ?je pense que vous vous rendez compte de ce que vous avez fait mais sans doute pas autant que je m’en rends compte aujourd’hui…mais je vous comprends puisque moi-même j’ai du mal à le reconnaître et à me reconnaître…vous savez, vous pouvez être fiers, monsieur rigaud et héléne, de ce que vous avez fait…résistante à toutes épreuves, je m’étais pourtant juré que personne ne me prendrait mon trésor, même pas vous…et pourtant nous y voilà : aujourd’hui, c’est avec une certaine joie intérieure que je vois mon trésor m’échapper sans bien comprendre ce qui se passe…je tâtonne, j’hésite encore un peu, prends un peu de recul, fais un pas en arrière, histoire de mieux me convaincre que plus je perds mon trésor, plus je m’enrichis…je n’ai plus envie de le crier, je n’ai plus besoin de le crier, ni de le prouver, je me contente de le faire résonner en moi le son de cette victoire que je garde pour moi, que je cache encore un peu histoire de m’assurer qu’elle est bien réelle, qu’elle ne va pas se volatiliser, je m’en nourris encore un peu…tout comme je garde ce petit air fragile au cas où…au cas où il m’arriverait je ne sais plus vraiment quoi…que peut-il m’arriver de pire que ce que je viens de traverser, que peut-il m’arriver de pire que ce cataclysme anorexique, cette traversée en solitaire du désert anorexique…dîtes-moi ce qu’il peut m’arriver de pire ? Trouver, retrouver un père, apprendre à le connaître, à l’aimer, à l’apprécier à sa juste valeur, être fière d’être sa fille sans baisser les yeux aveuglée par une image maternelle dévastatrice…que peut-il m’arriver de pire, je vous le demande ? Trouver enfin une famille qui vienne à balayer cette famille dans laquelle l’anorexie a éclaté de toute sa splendeur : une famille, une vraie, dans laquelle la guérison puisse prendre tout son sens ?

Non vraiment, je vous assure le pire est derrière moi…vous pouvez me croire je n’ai jamais été aussi sûre de moi…pourtant j’ai peur, j’ai enfin vraiment peur. Aujourd’hui, je peux le reconnaître l’anorexie ne m’a jamais vraiment fait peur, bien moins que ce qu’elle, ce que j’ai cherché à détruire avec elle. Et si aujourd’hui, j’ai vraiment c’est sans doute parce que je sais que je touche enfin du bout des doigts, timidement mais sûrement la vie, le bonheur de vivre et que je n’ai plus envie, plus le droit de fuir de peur qu’il m’échappe…vous savez, savez-vous seulement à quel point vous contribuez chaque jour à édifier le mur de cette victoire, d’une vie où la maladie quelle qu’elle soit n’aura plus de place…eh bien, je peux vous dire que même si c’est dur même si il y a des jours, des heures, ou même des minutes où j’ai juste envie de tout lâcher, ne plus rien sentir…non, je ne regrette absolument pas, ce jour où j’ai suivi le conseil d’Annabelle et je vous ai envoyé ce mail où j’exposais "fièrement"-honteusement aujourd’hui…- mon parcours de parfaite anorexique qui n’a plus que ça pour vivre…alors oui je me suis retournée, je me suis pris une claque mais quel élan, j’ai pu prendre et aujourd’hui je peux vous regarder sans baisser les yeux, je peux vous demander de l’aide en sachant que je ferai de mon mieux pour nourrir mon aller-mieux (passage obligé avant mon aller-bien, aller sans retour bien entendu…) et jouer non plus la parfaite anorexique mais jouer un jeu, mon jeu… "mon je"… vous voyez j’arrive malgré tout à écrire quand je veux…et je veux écrire de jolies choses maintenant, le dramatique, c’est dépassé…et regarder droit devant les yeux brillants de vie pour un jour pouvoir dire de vive vois à ma sœur "je suis guérie"…je sais qu’elle attend ce jour avec impatience, je sais que ce jour viendra même si je dois encore chuter pour y parvenir, je sais car vous êtes là, mon père, ma sœur et toute ma famille sont là avec et en moi…je sais que je peux que je vais guérir et que c’est aujourd’hui que cette aventure commence…et si je garde mes baskets, c’est avant tout pour courir plus vite au cas où l’anorexie aurait l’idée folle de me rattraper…

Comments

[athena_]

Tu le ressens parfaitement... le chemin parcourur compte bien plus que la victoire elle meme. Se dire qu'on a su gravir des montagnes... dont les sommet paraissaient pourtant inaccessibles.
C'est ainsi que desormais tu vas pouvoir savourer chaque moment de cette renaissance.

Je t'embrasse fort. Merci d'etre là...
Athena_

[une nancéenne]

C'est incroyable ce changement. Je n'ai pas tes problèmes, mais tes propos positifs me parlent. Bientôt de retour sur Nancy ?
Continue ainsi

[Aurélie]

Que d'enthousiasme ! Tu peux être fière de ce chemin parcouru, semé d'embûches que tu as su dépasser. Bravo pour ta nouvelle envie de vivre, d'être toi, de te sentir vivre et de retrouver les petits plaisirs de la vie.
Bravo

[Marie aurore]

Oui et reoui tu peux être fière de toi Raphaele de tout ce que tu as traversé et enduré, tu es en train de gagné cette victoire contre cette puta....n de maladie. Je pense fort à toi et au courage à cette volonté de fer que tu as pour t'en sortir . Continue cours .
A bientôt Kisssss MARIE AURORE

[fred]

Oh que oui, j'attends ce jour, mais je saurai attendre aussi longtemps qu'il faudra, qu'il TE faudra... Tu as bien raison d'être fière de toi... sois le autant que je le suis...

Frédé